L’enfant du Jura retourne au pays, à Dole, où il vécut une adolescence qu'il veut se rappeler heureuse plutôt que marquée par la gène. L'auteur se remémore les proches qui, parents ou voisins, illuminèrent un quotidien modeste, sans eau courante ni électricité. C'est à la lumière d'une lampe Pigeon que s'animent à nouveaux les personnages chers à l'auteur. Son Père, tout d'abord, qu'il connut en retraite de son travail de boulanger. Sa grand-mère, mémé Seguin, à la cuisine si parfumée et son grand-père cordonnier à Gray qu'il partait voir en train, et si rarement en automobile. Son oncle Charles dont les récits de voyages l'invitent très tôt à naviguer sur les mers du globe, à mille lieues des paysages montagneux du haut plateau Jurassien. Et l'oncle Paul avec qui le jeune Bernard découvre les plaisirs de la pêche sur les rives du Doubs ou de la Saône. Au rythme des images puisées dans l'Almanach, surgissent les habitants singuliers de la bourgade retirée. Les Magnin, couple de tonnelier ; le père Vincendon, luthier amoureux du bois, Madame Broquin, la sage femme, rare doloise à posséder une voiture, et cette buanderie, à l'écart du village, où l'on entrepose l'alambic et fabrique la goutte et le vin jaune. La plume de l'auteur, un temps tenté par la peinture, dépeint la vie rude d'une région dont les trois seules richesses, du pain, du sel et du vin, suffisaient cependant à rendre heureux la population. Loin des rumeurs de guerre qu'attise, à l'époque, la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne, le jeune Clavel rêve, à l'ombre du solitaire de Montaigu, un vieux chêne, d'accostage au Groenland ou de traversée du Cap Horn. Le jeune homme bercé par Les contes du Lapin vert de Benjamin Rabier, passionné par les livres de Roland Dorgelès qui deviendra par la suite son ami, devra, sous la férule de son père, abandonner l'idée d'entrer à l'école des Beaux-Arts et entreprendre un dur apprentissage de pâtissier.