Le conteur du terroir sÕen est allŽ ˆ 87 ans

 

 

 

Il faisait de lÕauthenticitŽ, des romans.

Force de la nature, amoureux de paysages, auteur d'une centaine d'ouvrages dŽpeignant les rŽgions franaises,

Bernard Clavel avait exercŽ 36 mŽtiers et dŽmŽnagŽ une cinquantaine de fois. Il a rendu lÕ‰me, mardi.

 

 

ÇJe suis un Žcrivain. Essentiellement un romancier et un conteur, cÕest-ˆ-dire un homme qui porte en lui un monde et qui sÕacharne ˆ lui donner la vieÈ, peut-on lire sur son site Internet.

 

Bernard Clavel, auteur prolifique, nourri de rŽalisme social et de grands espaces, sÕest Žteint hier, ˆ Grenoble, en Isre.

 

NŽ le 29 mai 1923 ˆ Lons-Le-Saulnier, dans le Jura, au sein dÕune famille modeste, il grandit dans une maison sans eau courante ni ŽlectricitŽ, sans livres, non plus.

A quatorze ans, ce fils de boulanger quitte l'Žcole pour le fournil.

 

MalgrŽ Çune culture limitŽe est pleine de trousÈ, comme il le dira de sa propre notice biographique, il se passionne pour lÕŽcriture.

 

Il apprend sur le terrain, aussi: ouvrier, vigneron, bžcheron, lutteur de foire, chroniqueur radio, artiste peintre, employŽ ˆ la SŽcuritŽ sociale, des activitŽs qui seront Çses universitŽsÈ.

 

La guerre et ses horreurs font de lui un antimilitariste forcenŽ, dŽfenseur d'une justice plus humaine.

 

 

 

Autodidacte, Clavel entre au Progrs de Lyon comme rŽdacteur dans les annŽes 1950, avant de pouvoir vivre de sa plume.

 

Son premier roman L'Ouvrier de la Nuit, publiŽ en 1956, marque le dŽbut d'une Ïuvre foisonnante et gŽnŽreuse, qui rencontre un large public.

Riche d'une centaine de titres, populaire ˆ la fois par ses personnages, son lectorat et son caractre historique, elle comprend de nombreux contes et nouvelles pour la jeunesse,

prs de 40 romans, dont plusieurs sagas, des essais et des pomes.

 

En 1968, Bernard Clavel obtient le prix Goncourt pour Les Fruits de l'Hiver. Elu ˆ l'AcadŽmie Goncourt en 1971, il en dŽmissionne six ans plus tard, ŽcÏurŽ par le parisianisme et ses intrigues.

 

Soutenu par HervŽ Bazin, Marcel AymŽ et Maurois (qui le comparait ˆ Tchekhov), son premier cycle romanesque, La Grande Patience (en quatre volumes), est une fresque sur la vie ouvrire rurale.

 

Deux autres sagas suivent dans les annŽes 1970 et 1980: l'ŽpopŽe de la Franche-ComtŽ en proie ˆ la peste et ˆ la guerre (Les Colonnes du Ciel, cinq volumes), puis l'histoire des pionniers du Grand Nord canadien (Le Royaume du Nord, six volumes).

 

 

Bernard Clavel sort ensuite chaque annŽe un roman, d'inspiration autobiographique, ou ˆ connotation sociologique, comme Malataverne (1961), Cargo pour l'Enfer (1993), Le Soleil des Morts (1998), Retraite aux Flambeaux (2002), Les Grands malheurs (2004). Il y dŽpeint avec passion et sincŽritŽ, les hommes, la terre, les petits plaisirs, lÕŽpopŽe du quotidien.

 

PersonnalitŽ engagŽe et non conformiste, Bernard Clavel a refusŽ deux fois la lŽgion d'honneur.

 

Pre de trois enfants nŽs d'un premier mariage, ce militant de la paix, des droits de l'homme et de lÕŽcologie Žtait remariŽ avec Josette Pratte, romancire quŽbŽcoise, qui obligera ce fonceur ˆ retravailler ses notes et son style.

 

Aux critiques qui tiquaient sur ses tirages, ˆ ceux qui lui reprochaient de publier ˆ tour de bras, ce costaud aux coups de gueule fameux,

rŽtorquait quÕil avait fait sienne la devise de Mauriac:ÇNotre vie vaut ce qu'elle nous a cožtŽ d'effortsÈ.

 

Mercredi 6 octobre 2010

 

 

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Bernard Clavel, Goncourt 1968, est mort

Par LEXPRESS.fr, publiŽ le 05/10/2010 ˆ 17:30

 

L'Žcrivain Bernard Clavel est mort ce mardi 5 octobre ˆ l'‰ge de 87 ans ˆ Grenoble. Il avait reu le prix Goncourt 1968 pour Les Fruits de l'hiver. NŽ en 1923 ˆ Lons-le-Saulnier dans un milieu modeste, il se formera ˆ l'Žcriture en autodidacte ˆ l'Žcole de ses lectures, Victor Hugo tout d'abord puis Arthur London et Maxime Gorki. RŽsolument nomade, il a vŽcu en Irlande, en Suisse, en Savoie, en Provence, et dans le Bordelais. Ses romans, qui rencontrent le succs public, Žvoquent la province franaise ou les grands espaces du QuŽbec, et lui vaudront l'Žtiquette d'Žcrivain "du terroir". En 2003, Pascale Frey lui avait rendu visite pour Lire dans sa maison prs de Bourg-en-Bresse, juste aprs ce qu'il estimait tre son quarante-deuxime dŽmŽnagement.

 

 

 

 

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Le vin jaune de Bernard Clavel

06 octobre 2010, Par Vingtras

 

Il Žtait franc-comtois,Žcrivain humaniste et gŽnŽreux,formidable conteur. Aprs cent mŽtiers et cent misres,il a pu tre connu du grand public,en France et ˆ l'Žtranger. Je l'avais rencontrŽ au coeur du vignoble bordelais o il s'Žtait fixŽ aprs avoir changŽ moult fois de domicile. Il m'avait reu avec sa compagne,l'Žcrivaine quŽbŽcoise Josette Pratte,autour d'un projet d'adaptation ˆ l'Žcran de son roman "Les fruits de l'hiver",dont le r™le principal devait tre tenu par Serge Reggiani. Mais la santŽ prŽcaire du comŽdien avait mis un terme ˆ ce chantier...

Son enfance ˆ Lons- le- Saulnier nous a ŽtŽ rapportŽe dans "La grande patience". Ainsi que son apprentissage de p‰tissier,et sa dŽcouverte de l'injustice sociale. Car il y a toujours une grande part d'autobiographie dans son oeuvre.

En 1945,aprs avoir ŽtŽ entre autres, dŽbardeur,lutteur de foire (et mme cracheur de feu !),il rencontre le Rh™ne, qu'il veut peindre.

 

"Comment exprimer une telle grandeur,une telle puissance ? Comment communiquer ˆ d'autres des Žmotions qui me tenaient figŽ durant des heures ? C'Žtait dŽsespŽrant. Je n'arrivais pas ˆ dire ce qu'il Žtait : la violence de ses colres,la tendresse de ses matins embrumŽs,le mystre fauve de ses soirs,tout son poids d'humanitŽ... Alors,peu ˆ peu,j'ai dŽlaissŽ la toile pour les mots."

Bernard Clavel devient journaliste (au "Progrs" de Lyon) et acquiert une bonne rŽputation d'Žcrivain rŽgionaliste. Mais il va franchir le pas avec "l'Espagnol" qui raconte le travail dans les vignes du Jura,avec Jacinto,ce rŽpublicain espagnol rŽfugiŽ politique. AdaptŽ pour le petit Žcran et rŽalisŽ admirablement par Jean Prat ( Jacinto est jouŽ par Jean-Claude Rolland,disparu tragiquement),"L'Espagnol" fut l'un des grands ŽvŽnements de l'ORTF et attira l'attention des Žditeurs sur l'auteur.

Sa consŽcration arriva enfin en 1968 avec le prix Goncourt pour "Les fruits de l'hiver". Ayant atteint le grand public,Bernard Clavel put se consacrer ˆ l'Žcriture de sagas : "Les colonnes du ciel" ,roman historique sur les ravages de la peste en France-ComtŽ,et "Le royaume du nord" dont l'action est situŽe au QuŽbec.

Dans la lignŽe des grands romanciers du XIXe sicle,Bernard Clavel me semble plut™t tre le fils spirituel d'Anatole France. Je partage avec lui sa passion antimilitariste et pacifiste. Je fais mienne cette phrase de Voltaire qu'il citait souvent : "Le soldat tire ˆ genoux,sans doute pour demander pardon de son crime." Et puis,il avait une grande addiction pour les victimes de l'injustice sociale. Pour ceux que l'argent Žcrase...

Le vin jaune du Jura,celui de Bernard Clavel et de Jacinto, est aussi le vin des raisins de la colre.

 

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Bernard Clavel, Žcrivain multiple et homme de combats

Les hommages des politiques tombent.

RŽdigŽ par Cecile Mazin, le mercredi 06 octobre 2010 ˆ 09h06

 

 

 

Les politiques n'ont pas tardŽ ˆ rŽagir ˆ l'annonce de la mort de Bernard Clavel. Si le parti communiste a ŽtŽ le plus prompt, hier, FrŽdŽric Mitterrand et Bertrand Delano‘ en brossent un portrait exceptionnel.

 

Ç Mlant la passion des territoires et lÕamour de lÕhistoire, lÕoeuvre de Bernard Clavel est foisonnante et gŽnŽreuse. ƒcrivain multiple, homme de radio et journaliste, il sut conter admirablement Òles petits bonheursÓ, ces menus faits qui donnent sa saveur dÕŽpopŽe au quotidien È, estime pour sa part le ministre de la Culture.

 

Quant au maire de Paris : Ç ƒcrivain de la terre, des plaisirs vŽcus, et des Òpetits bonheursÓ, il a donnŽ de la vie une image de douceur, de luciditŽ et de dignitŽ. Et sa qute permanente du sacrŽ se fondait sur le refus de tous les dogmatismes.

 

Bernard Clavel, prix Goncourt 1968, a fait honneur ˆ la langue et ˆ la littŽrature franaises. Et ˆ travers ses combats pour une justice plus humaine, pour la nonviolence et pour la paix, il a contribuŽ ˆ dessiner la figure de lÕŽcrivain humaniste. È

 

Tous deux expriment ˆ la famille leurs plus sincres condolŽances...

 

Dans un communiquŽ, le PCF dŽplore cette perte : Ç On retiendra de lui le pacifiste et militant des droits de l'Homme qui, durant des dŽcennies s'est engagŽ pour l'objection de conscience, contre la guerre et la violence. È Et d'ajouter : Ç Bernard Clavel Žtait un homme du peuple, un Žcrivain de l'Žmotion ; il Žtait encore un auteur de contes et nouvelles hors pair dont les accents rappellent le cŽvenol Jean Pierre Chabrol.

 

Epris de son Jura natal, il n'en Žtait pas moins un citoyen ouvert au monde, un voyageur qui avait choisi le Canada pour deuxime patrie. È

 

 

 

 

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20minutes-CULTURE – L'Žcrivain avait 87 ansÉ

Il disait ÇJe suis un menteur-nŽÈ. On appelle aussi cela un conteur. LÕŽcrivain Bernard Clavel, qui avait failli devenir p‰tissier, dans la lignŽe de son pre boulanger, avait un beau jour dŽcouvert Victor Hugo. Il avait 16 ans et ce fut Çune dŽcouverte miraculeuseÈ. Il Žtait alors ouvrier chez un confiseur et Žcrivait des pomes ˆ ses heures perdues.

Il ne devient pas tout de suite Žcrivain. Il Žcrit, oui, mais dŽtruit une bonne partie de ce quÕil Žcrit. Il devient journaliste. Sous lÕinfluence de Marcel AymŽ (Les Contes du Chat perchŽ), et HervŽ Bazin (Vipre au Poing), il continue dÕŽcrire et arrte de dŽtruire.

Et puis un beau jour il publie. L' ouvrier de la nuit para”t en 1956 et ouvre la voie ˆ une Ïuvre extrmement prolifique, couronnŽe par une vingtaine de prix dont le Goncourt en 1968, pour  le roman Les Fruits de l'hiver. Il sera notamment remŽmorŽ pour ses livres pour, comme La chienne tempte, Le commencement du monde, ou Le grand voyage de Quick Beaver. Mais aussi sa poŽsie, romans pour adultes et essais. Parmi ses romans, on se souviendra de LÕEspagnol, Malataverne, ou Le Voyage du pre, Le Soleil des morts, la saga des Colonnes du ciel. Son dernier ouvrage, La table du Roi, est sorti en 2003 chez Albin Michel.

Il est dŽcŽdŽ mardi ˆ l'‰ge de 87 ans selon son Žditeur Albin Michel, prŽvenu par sa famille.

 

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DŽcs de l'Žcrivain franc-comtois Bernard Clavel (ma-commune.info)

 

L'Žcrivain franc-comtois Bernard Clavel, auteur prolifique dont l'oeuvre Žtait nourrie de rŽalisme social et ancrŽe dans le terroir, est dŽcŽdŽ mardi ˆ l'‰ge de 87 ans, a annoncŽ son Žditeur Albin Michel, prŽvenu par sa famille. NŽ le 29 mai 1923 ˆ Lons-Le-Saulnier (Jura) dans une famille modeste, il devient apprenti p‰tissier ˆ 14 ans avant de se former en autodidacte en exerant les mŽtiers les plus divers et de devenir journaliste dans les annŽes 1950.

Soutenu lors de sa sortie par HervŽ Bazin et Marcel AymŽ, son premier roman, ÇL'ouvrier de la nuitÈ, publiŽ en 1956, marque le dŽbut d'une oeuvre importante, riche d'une centaines de titres, avec des contes et nouvelles pour la jeunesse, prs de 40 romans, dont plusieurs sagas, des essais et des pomes.

 

En 1968, il avait obtenu le prix Goncourt pour ÇLes fruits de l'hiverÈ. Elu ˆ l'AcadŽmie Goncourt en 1971, il en dŽmissionnera six ans plus tard. Plusieurs de ses oeuvres ont ŽtŽ adaptŽes au cinŽma et ˆ la tŽlŽvision.

Soutenu lors de sa sortie par HervŽ Bazin et Marcel AymŽ, son premier roman, ÇL'ouvrier de la nuitÈ, publiŽ en 1956, marque le dŽbut d'une oeuvre importante, riche d'une centaines de titres, avec des contes et nouvelles pour la jeunesse, prs de 40 romans, dont plusieurs sagas, des essais et des pomes.

 

En 1968, il avait obtenu le prix Goncourt pour ÇLes fruits de l'hiverÈ. Elu ˆ l'AcadŽmie Goncourt en 1971, il en dŽmissionnera six ans plus tard. Plusieurs de ses oeuvres ont ŽtŽ adaptŽes au cinŽma et ˆ la tŽlŽvision.

 

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Bernard Clavel, un grand conteur populaire (Le figaro)

 

Par Dominique Guiou

 

06/10/2010 | Durant toute sa vie, Bernard Clavel s'est considŽrŽ comme un dŽbutant. Chaque livre Žtait une aventure qui lui donnait envie de recommencer. CrŽdits photo : ANDERSEN ULF/SIPA/ANDERSEN ULF/SIPA

L'Žcrivain, auteur de plus de 80 romans, est dŽcŽdŽ mardi ˆ l'‰ge de 87 ans. Il avait obtenu le Goncourt en 1968 pour Les Fruits de l'hiver.

 

ÇAussi longtemps que nous restons des apprentis, nous n'avons pas le droit de vieillir.È ­Bernard Clavel avait fait sienne cette citation d'Ernst JŸnger. Durant toute sa vie, il se sera considŽrŽ comme un Žternel dŽbutant, chaque livre Žtant une nouvelle aventure qui lui donnait envie de recommencer ds la dernire page achevŽe. Il n'oubliera jamais ses origines modestes, et, de son premier mŽtier de boulanger-p‰tissier, il gardera l'habitude de se lever ˆ l'aube pour travailler.

Bernard Clavel n'a jamais cessŽ de se battre et de souffrir pour revendiquer une place entire parmi les auteurs de son temps. MalgrŽ son prix Goncourt en 1968 pour Les Fruits de l'hiver, il lui sera difficile d'obtenir la reconnaissance de critiques faisant la fine bouche. Un romancier populaire est toujours suspect. Ceux-lˆ mmes qui le mŽprisaient lui feront les yeux doux lorsqu'il siŽgera ˆ l'acadŽmie Goncourt, au couvert de ­Giono, en 1971. Une expŽrience de courte durŽe, puisque, en 1977, il en dŽmissionna. L'affaire, ˆ l'Žpoque, fit grand bruit. Aprs son dŽpart, il avait constatŽ: ÇDurant mes annŽes chez les Goncourt, pour une partie de la critique, j'Žtais un trs grand Žcrivain. Ds aprs mon dŽpart, je ne valais plus grand-chose et les dossiers de presse avaient fondu. Ne serait-ce que pour cela, je ne saurais regretter d'tre parti.È

 

ƒternel rŽvoltŽ

 

Toute sa vie, cet Žternel rŽvoltŽ refusa honneurs et distinctions, notamment la LŽgion d'honneur. De mme, il dŽclina poliment l'invitation faite par un ami acadŽmicien de prŽsenter sa candidature dans la noble institutionÉ

Sa naissance ˆ Lons-le-Saunier (Jura), le 29 mai 1923, en fait dŽjˆ un personnage marquŽ par un destin paradoxal. ­Bernard Clavel, qui fut un esprit libertaire, foncirement antimilitariste, a vu le jour ˆ proximitŽ de la maison natale de Rouget de Lisle, compositeur de La Marseillaise. Les seuls livres que possŽdaient ses parents Žtaient un recueil de recettes et un traitŽ de mŽdecine. Pas de quoi faire rver le futur Žcrivain, qui allait accumuler romans, contes, nouvelles et autres rŽcits, soit prs d'une centaine d'ouvrages. Et conna”tre un immense succs public, avec des ventes qui, pour certains de ses titres, atteignent des sommets: 2,5 millions d'exemplaires pour la seule Ždition de poche de Malaterne, plus de 1 million pour L'Espagnol.

En quittant ˆ 14 ans Lons-le-Saunier pour devenir apprenti p‰tissier ˆ Dole, le jeune garon autodidacte se forge trs vite un caractre d'idŽaliste. La nŽcessitŽ de gagner son pain quotidien l'obligera ˆ faire toutes sortes de petits boulots. Autant d'expŽriences qui l'ont mis trs t™t en prise directe avec la vie, sans oublier les ŽvŽnements de la guerre.

 

Un cri contre les guerres

 

Ë sa dŽmobilisation, il s'installe ˆ ­Vernaison sur les bords du Rh™ne, le fleuve inspirateur. Aprs neuf ans passŽs ˆ la SŽcuritŽ sociale de Lyon en qualitŽ de rŽdacteur, Bernard Clavel ne vivra de sa plume de journaliste et d'Žcrivain qu'ˆ partir de L'Espagnol , son quatrime roman, paru chez Robert Laffont en 1959.

Ce n'est qu'au dŽbut des annŽes 1980 que le romancier rejoindra Albin Michel, o il publie sa saga en six volumes, Le Royaume du Nord, vŽritable tournant dans sa carrire d'Žcrivain et sa vie personnelle. InvitŽ en 1977 ˆ venir passer une semaine au QuŽbec, il est fascinŽ par l'immensitŽ des terres d'Abitibi et l'ŽpopŽe des pionniers du Grand Nord. Il aura aussi le coup de foudre pour son attachŽe de presse canadienne, Josette Pratte, qu'il Žpousera en secondes noces le 22 juillet 1982.

Avec Harricana et d'autres ouvrages sur le Grand Nord, il trouve un second souffle. Il entra”ne son lecteur dans les rŽgions inexplorŽes du Canada, dans le sillage d'une famille d'aventuriers.

Ë l'Žpoque de leur rencontre, le romancier, en situation de rupture avec sa famille, avait besoin d'un grand changement d'air pour se remettre au travail. Ë travers Josette, le QuŽbec lui ouvrait les bras. Bernard Clavel Žtait sauvŽ.

Ses Ïuvres compltes sont actuellement publiŽes dans la collection Omnibus. Albin Michel Ždite ses romans depuis 1983. Les Grands Malheurs est le dernier ouvrage de Bernard Clavel publiŽ en 2004. C'est un cri contre les guerres, et c'est le point final de ce romancier prolifique dont les romans n'ont pas vieilli et peuvent se lire encore avec plaisir.

 

 

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La mort de Bernard Clavel ˆ 87 ans

PAR GRƒGOIRE LEMƒNAGER (nouvel obs)

 

Depuis plusieurs annŽes dŽjˆ, le trs prolifique laurŽat du prix Goncourt 1968 se battait, en silence, contre les sŽquelles d'une attaque vasculaire qui l'avait clouŽ au lit. Bernard Clavel vient de mourir ˆ Grenoble. Il avait 87 ans

 

ÇJ'ai longtemps vŽcu sans Žcrire, confiait-il. Mais quand a m'a empoignŽ, a ne m'a plus l‰chŽ.È En effet. Il y en avait pour les adultes, pour les enfants, pour tout le monde. Car depuis que son directeur littŽraire et ami, Jacques Peuchmaurd, l'avait encouragŽ ˆ publier son premier roman, Çl'Ouvrier de la nuitÈ, en 1956, on ne comptait plus les dizaines de titres publiŽs par l'auteur de ÇMalataverneÈ (1960), des ÇFruits de l'hiverÈ (prix Goncourt 1968), du ÇSilence des armesÈ (1974), de ÇQuand j'Žtais capitaineÈ (1990) et des ÇRoses de VerdunÈ (1994).

Sans doute y avait-il dans cette abondance une forme de revanche, de la part de cet homme nŽ dans une maison sans livres. Fils d'une fleuriste et d'un modeste boulanger de Lons-le-Saunier, il disait avoir ÇquittŽ l'Žcole pour le fournilÈ ˆ l'‰ge de quatorze ans, dŽclarait conna”tre Çmieux le vignoble, les bateaux et la ta•ga que la littŽratureÈ, et aimait ÇrŽpŽter que l'essentiel de son bagage lui venait de son enfanceÈ (Bernard Clavel par lui-mme). On ne s'Žtonnera donc pas de l'admiration qu'il vouait ˆ Jean Giono, ce fils de cordonnier dont il occupa le couvert ˆ l'AcadŽmie Goncourt de 1971 ˆ 1977, mais aussi ˆ Romain Rolland ou Gilbert Cesbron.

 

C'est que pour ce ma”tre conteur saluŽ en son temps par Jean GuŽhenno, AndrŽ Maurois et Pierre Mac Orlan - qui voyait dans son Ïuvre une Çvictoire de la paysannerie lettrŽeÈ-, il n'Žtait pas question de trahir, d'oublier, ou mme de nŽgliger son passŽ. Si Bernard Clavel fut l'un des grands romanciers populaires du second XXe sicle, c'est bien parce qu'il avait su rester, fondamentalement, un artisan.

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Bernard Clavel vient de mourir, ˆ l'‰ge de 87 ans.

(nouvel obs)

 

Le prolixe romancier populaire nŽ en 1923 ˆ Lons-le-Saulnier avait dŽcrochŽ, en 1968, le prix Goncourt avec Çles Fruits de l'hiverÈ. Bernard Clavel vient de mourir, ˆ l'‰ge de 87 ans. Pour le dictionnaire des Žcrivains contemporains publiŽ par JŽr™me Garcin, il avait rŽdigŽ sa propre notice biographique en 1988. La voici

 

Ç A quatorze ans, ce fils de boulanger quitte l'Žcole pour le fournil. ‚a se sent. Sa culture limitŽe est pleine de trous. Il conna”t mieux le vignoble, les bateaux et la ta•ga que la littŽrature. A quinze ans, il Žcrit dŽjˆ des romans, mais ne sera publiŽ qu'ˆ trente-trois ans. Soutenu ds ses dŽbuts par les plus grands (Maurois le comparait ˆ Tchekhov), il sera toujours poursuivi par la hargne des roquets de la critique qui ne sauraient lui pardonner ses tirages.

Il dŽteste trop les intrigues et le parisianisme pour rester ˆ l'AcadŽmie Goncourt o il a pourtant de bons amis.

Tout le temps que ne lui prennent pas ses dŽmŽnagements, il le passe ˆ Žcrire.

La grande chance de sa vie comme de sa carrire est la rencontre de Josette Pratte, Žcrivain quŽbŽcoise, qui, obligeant ce fonceur ˆ retravailler ses oeuvres, va le faire accŽder ˆ une dimension qui lui permettra d'augmenter considŽrablement son public.

Il aime ˆ rŽpŽter que l'essentiel de son bagage lui vient de son enfance. Il voue un culte ˆ ses parents, ˆ sa tante LŽa et ˆ son oncle au kŽpi blanc dont les rŽcits des campagnes d'Afrique  ont bercŽ ses jeunes annŽes jusqu'ˆ l'inciter ˆ s'engager. Mais la guerre et ses horreurs font de lui un antimilitariste forcenŽ qui deviendra l'ami intime de Louis Lecoin. Il placarde aux murs de son bureau des phrases qui vont l'accompagner partout : Çïtez les armŽes et vous ™tez les guerresÈ (Victor Hugo). ÇLe monde ne sera sauvŽ, s'il doit l'tre, que par des insoumisÈ (AndrŽ Gide).

Sa plus grande joie d'Žcrivain lui vient des Žcoles o il entre ds ses premiers romans publiŽs. C'est la revanche de celui qui, au fond, regrettera toujours de n'avoir pas eu de temps ˆ consacrer ˆ l'Žtude. Il sait pourtant que ce qui nourrit son oeuvre ne vient pas de ses lectures, mais de ce qu'il a vŽcu; et Jean GuŽhenno, dont il est heureux et fier d'avoir ŽtŽ l'ami, lui rŽpte souvent qu'il lui envie son torrent de conteur.

A ceux qui lui reprochent d'Žcrire trop il rŽpondra en essayant jusqu'au bout d'Žcrire davantage, en transpirant toujours plus, faisant sa devise de ce mot de Mauriac : ÇNotre vie vaut ce qu'elle nous a cožtŽ d'efforts.È

 

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Le Parisien :

 

L'Žcrivain franais Bernard Clavel est dŽcŽdŽ mardi ˆ l'‰ge de 87 ans, annonce son Žditeur Albin Michel. Auteur d'une centaine de romans, dont des sagas ˆ grands succs, l'oeuvre de Clavel Žtait nourrie de rŽalisme social.

NŽ le 29 mai 1923 ˆ Lons-Le-Saulnier (Jura) dans une famille trs modeste, il devient apprenti p‰tissier ˆ 14 ans avant de se former en autodidacte en exerant les mŽtiers les plus divers.

 

Dans les annŽes 1950, il se tourne vers le journalism. Avant de publier son premier roman, ÇL'ouvrier de la nuitÈ, en 1956, soutenu par d'autres grandes plumes de la littŽrature franaise, HervŽ Bazin et Marcel AymŽ. Ce premier essai marque le dŽbut d'une oeuvre importante, riche d'une centaine de titres.

 

Des contes aux nouvelles pour la jeunesse, en passant par plusieurs sagas, essais, pomes et romans, Clavel gagnera la reconnaissance de ses pairs en 1968, en recevant le prix Goncourt pour ÇLes fruits de l'hiverÈ. Elu ˆ l'AcadŽmie Goncourt en 1971, il en dŽmissionnera six ans plus tard. Plusieurs de ses oeuvres ont ŽtŽ adaptŽes au cinŽma et ˆ la tŽlŽvision.

Dans un sondage paru en 1997, Bernard Clavel, qui vendait ses livres par millions, Žtait classŽ parmi les Žcrivains prŽfŽrŽs des Franais. PersonnalitŽ engagŽe et non conformiste, militant de la paix et des droits de l'homme, il est restŽ au cours de ses cinquante ans de carrire plut™t ˆ l'Žcart du milieu littŽraire parisien. De la colre dans le regard, chauve, la voix ardente, Bernard Clavel Žtait un homme chaleureux et souvent r‰leur, dŽtestant parler de lui. Plus ˆ l'aise dans les grands espaces que dans les salons, il puisait son inspiration dans une jeunesse turbulente et dans la nature qu'il vŽnŽrait: son Jura natal, le Rh™ne mais aussi les immensitŽs du Canada o il s'Žtait un temps installŽ.

 

 

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Bernard Clavel, mort d'un grand romancier populaire

La Croix

LÕŽcrivain, qui vient de dispara”tre ˆ 87 ans, Žtait lÕauteur de plus dÕune centaine de livres et avait su capter lÕhŽritage des grands conteurs rŽalistes

 

Avec Bernard Clavel dispara”t un des derniers grands Žcrivains populaires et un des derniers vrais Žcrivains du terroir. Il Žtait nŽ le 29 mai 1923 ˆ Lons-le-Saunier dÕun pre boulanger et dÕune mre fleuriste, dans un milieu o la vie nÕŽtait pas facile, o lÕon ne pouvait acheter beaucoup de livres mais o la culture Žtait respectŽe, o les rŽcits oraux tenaient une grande place.

 

Son enfance fut bercŽe par les rŽcits de son oncle Charles dont il a fait revivre le visage dans Le Soleil des morts. De cet homme, nŽ pauvre lui aussi, engagŽ dans les bataillons de lÕarmŽe dÕAfrique au dŽbut du XXe sicle et qui vŽcut la Grande Guerre, puis les combats de la RŽsistance, il dŽclarait : Ç Il a contribuŽ ˆ fixer la couleur de mon ‰me. È Son adolescence fut marquŽe par lÕexpŽrience traumatisante de lÕapprentissage, traditionnel ˆ lÕŽpoque pour qui ne pouvait – ou ne voulait plus, comme lui – continuer lÕŽcole.

 

Et ˆ lÕŽcole le jeune Bernard sÕennuya beaucoup, prŽfŽrant la rverie, la lecture, la fuite dans lÕimaginaire. Son pre ne voulant pas quÕil rŽalise son rve – devenir peintre –, il se retrouva ˆ 14 ans apprenti p‰tissier ˆ Dole o il subit les brimades dÕun patron injuste et fŽroce, dont il devait se souvenir lorsquÕil Žcrivit La Maison des autres. Il lui devait sans doute une part de son existence pleine de rŽvoltes, de voyages, de fidŽlitŽs aussi, ˆ ses ma”tres : Hugo, Giono, Jean GuŽhenno, Simenon ou Romain Rolland, dont il adopta trs vite le pacifisme.

 

Prix Goncourt en 1968 pour Les Fruits de lÕhiver

 

Pour gagner sa vie, il encha”na les petits mŽtiers, fut lutteur de foire, bžcheron, ouvrier dans une chocolaterie, dans une fabrique de verre de lunettes, vigneron, employŽ ˆ la SŽcuritŽ cociale, relieurÉ Tous ces mŽtiers, comme pour Gorki quÕil admira toujours, furent pour lui Ç ses universitŽs È. Sous lÕOccupation, il rejoignit le maquis du Jura, prŽsent dans plusieurs de ses livres. La dŽcouverte dans le grenier familial des ouvrages de Victor Hugo avait ŽtŽ pour lui une rŽvŽlation. Il essaya quelque temps de vivre de sa peinture, puis il y renona, et dans un premier temps, accumula les textes quÕil dŽtruisait, subissant un Žchec pour son premier manuscrit.

 

CÕest en 1956 que RenŽ Julliard, grand dŽcouvreur, publia LÕOuvrier de la nuit, saluŽ ds sa parution. DÕemblŽe il fut encouragŽ par Jean RŽverzy, Marcel AymŽ et, ce qui peut Žtonner, Gaston Bachelard et Gabriel Marcel. De nombreux succs de librairie suivirent et Bernard Clavel allait tre publiŽ par un autre grand Žditeur, Robert Laffont (dŽcŽdŽ en mai dernier) : LÕEspagnol (1959), Malaverne (1960) Le Voyage du pre (1965), LÕHercule sur la place (1966).

 

En 1968 para”t Les Fruits de lÕhiver qui obtint le prix Goncourt. Il avait, contre le conseil de Robert Laffont, voulu tre publiŽ en fŽvrier plut™t quÕˆ la rentrŽe. Son livre durant quelques mois ne suscita aucun Žcho, mais lui donna lÕoccasion de faire des signatures dans les usines, juste avant le fameux mois de mai. Il sentit que tout bouillonnait dans la France ouvrire. Ce roman est le quatrime tome dÕune saga, La Grande Patience, qui comprend La Maison des autres (1962), Celui qui voulait voir la mer (1963) et Le CÏur des vivants (1964) et constitue une Žvocation douloureuse de son enfance, de son adolescence et de ses parents.

 

Son plus grand regret : que ses parents nÕaient pu conna”tre son succs

 

Son plus grand regret Žtait que, morts, ils nÕaient pu conna”tre son succs et compris quÕil nÕŽtait pas simplement un peintre ratŽ. Ë ces portraits succdent des figures auxquelles tout au long de sa vie Clavel va sÕattacher, des gens humbles, vignerons, rouliers, mariniers, petits artisans, compagnons du Tour de France.

 

Ç Je suis, dŽclara-t-il un jour, essentiellement un romancier, un conteur, cÕest-ˆ-dire un homme qui porte en lui un monde et qui sÕacharne ˆ lui donner la vie. È De ses personnages, il avait coutume de dire quÕil ne les avait jamais imaginŽs, il les avait rencontrŽs, ils venaient de la vie. Pour les rencontrer, ajoutait-il, il fallait les chercher, souvent en voyageant. Bernard Clavel voyagea et dŽmŽnagea sans cesse.

 

Pourtant lÕenracinement dans une rŽgion, autour de Lons-le-Saunier, autour de Lyon, est au cÏur de son Ïuvre. Ds son premier roman, Vorgine, qui fut dÕabord refusŽ, puis publiŽ en 1956, le Rh™ne Žtait prŽsent, ce fleuve qui lui avait donnŽ envie de peindre et dÕŽcrire : Ç Le Rh™ne, ce sont des hommes, des femmes, tout un petit peuple parmi les lumires. È

 

Une autre grande saga ŽditŽe ˆ la fin des annŽes 1970 le ramena en Franche-ComtŽ : dans Les Colonnes du ciel, il faisait revivre la guerre et la peste qui ravagrent cette rŽgion de 1635 ˆ 1645. Et puis il revint ˆ des paysages dÕeaux et de forts sauvages. Clavel avait toujours aimŽ lÕhiver, les plaines gelŽes et silencieuses, les vastes Žtendues de neige, les animaux en libertŽ.

 

Les terres de lÕAmŽrique du Nord qui lui rappelaient les saisons de son enfance lui inspirrent une autre immense saga, Le Royaume du Nord (Albin Michel) o dÕautres hŽros, les pionniers canadiens, entrent en scne, o les histoires sont proches de celles de Mayne Reid et de James Oliver Curwood.

 

Il possŽdait le souffle, le don de lÕŽmotion, le lyrisme dans la simplicitŽ

 

Auteur dÕune centaine de livres – romans, nouvelles, essais, contes pour enfantsÉ –, traduits en dÕinnombrables langues, laurŽat de nombreux prix, Clavel Žtait insensible aux honneurs, aux calculs, aux vanitŽs du petit monde littŽraire. Devenu jurŽ Goncourt en 1971, il en dŽmissionna en 1977. Insoumis, rŽvoltŽ par la souffrance et lÕinjustice, il sÕopposa jusquÕˆ la fin ˆ la corruption par lÕargent, ˆ la violence organisŽe, il se battit pour les enfants, les pauvres, pour la protection de la plante. Et il avait avouŽ que sa foi en Dieu sÕeffritait lorsquÕil regardait le malheur des hommes.

 

Il sÕŽtait mariŽ en 1945 avec AndrŽe David qui lui donna trois enfants. Il devait dire dÕelle et de Jacques Peuchmaurd, quÕil avait connu chez Julliard, que sÕil ne les avait pas rencontrŽs, il nÕaurait jamais pu Žcrire. Plus tard, au QuŽbec, il fit la connaissance de Josette Pratte, qui devint sa seconde Žpouse, sa premire lectrice et qui sÕoccupa de lÕŽdition de ses livres.

 

Des romanciers du XIXe sicle, il possŽdait le souffle, lÕaptitude ˆ construire une histoire, ˆ suivre des fils solides dans la narration, le don de lÕŽmotion, le lyrisme dans la simplicitŽ. DÕeux aussi il a hŽritŽ un monde – des paysans, des artisans, des modes de vie, des traditions, des savoirs, des valeurs – tout un univers qui est en train doucement de dispara”tre.

 

Francine de Martinoir

 

 

 

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Bernard Clavel Žtait un romancier totalÉ

TŽlŽrama

Le romancier Bernard Clavel est mort aujourd'hui ˆ Grenoble ˆ l'‰ge de 87 ans. Prix Goncourt en 1968 pour ÒLes Fruits de l'hiverÓ, cet humble artisan et magnifique conteur savait donner ˆ lire des rŽcits simples et forts. Nous l'avions rencontrŽ en 2003, ˆ l'occasion de la parution de ses Ïuvres compltes chez Omnibus.

Article paru dans TŽlŽrama en dŽcembre 2003
Des paysages enneigŽs, des brindilles qui accrochent la lumire, des eaux dormantes comme une invitation ˆ l'engloutissement, des arbres dont les branches tutoient les pastels du ciel : dans les Ïuvres du Clavel photographe ou aquarelliste il y a tout le Clavel Žcrivain. C'est que les joies et les peines des hommes tiennent souvent ˆ peu de chose et sommeillent dans les dŽcors qui en sont le thŽ‰tre : une ferme isolŽe, un talweg embrumŽ dont la silhouette change avec le jour, ou les rives d'un fleuve qui voit dŽfiler les sicles. Clavel n'est pas un Žcrivain de salon. On peut le vŽrifier en lisant les deux premiers tomes de ses Ïuvres compltes, qui viennent de para”tre chez Omnibus. C'est un homme de la terre, un forban des bois qui, vu ses quarante dŽmŽnagements en France, en Suisse, au Canada ou en Irlande, semble avoir avalŽ un atlas. Quand il vous accueille chez lui, dans cette maison qui ressemble ˆ une datcha de roman russe perdue dans le Jura, il vous tend la main et vous prŽsente ses arbres. Il est vrai qu'il fut bžcheron. Que ne fut-il pas d'ailleurs, lui dont la biographie est comparable ˆ celle des premiers auteurs de la SŽrie Noire ?

Aujourd'hui octogŽnaire, il fut, ˆ 14 ans, apprenti p‰tissier ˆ Dole, pŽnible expŽrience dont il tirera La Maison des autres. Ç Mon patron Žtait un vrai salaud, et pendant deux ans ce fut un enfer. C'Žtait un avorton que j'aurais pu coucher d'une gifle, mais ˆ cette Žpoque le patron c'Žtait le patron et on la fermait. È Il rve alors d'un tour du monde, mais la guerre contrarie ses rves de voyage. Il est successivement bžcheron, lutteur de foire avec le fameux Ted Robert, qui sera le personnage de L'Hercule sur la place, ouvrier agricole avec L'Espagnol puis rŽsistant dans le maquis du Jura. Son autre rve ? La peinture, grande pourvoyeuse d'artistes affamŽs. Il est donc encore gratte-papier ˆ la SŽcu, flirtant avec l'absentŽisme, quand la lumire des bords du Rh™ne mŽrite d'tre saisie sur la toile... Relieur, auteur de pices radiophoniques, journaliste au Progrs de Lyon et ˆ L'HumanitŽ dimanche, il est enfin romancier gr‰ce au succs de ses livres.

Aujourd'hui, Clavel, c'est presque cent romans dont certains trs connus : Pirates du Rh™ne, L'Espagnol, Malataverne, Harricana, les sagas de La Grande Patience, des Colonnes du ciel. Et aussi des livres de jeunesse et des essais sur la peinture. A lire son texte sur Gauguin, par exemple, on comprend mieux son propre itinŽraire : celui d'un homme prt ˆ tout pour vivre sa passion d'Žcrire, humble artisan obsŽdŽ par les immensitŽs calmes et, pourquoi le taire, r‰leur impŽnitent et libertaire jamais dŽfroquŽ. Les hommes dont il fut l'ami n'Žtaient pas exactement de paisibles plerins : Pierre Mac Orlan, Roland Dorgels, Jean GuŽhenno, Jean Reverzy, Marcel AymŽ, l'anarchiste Louis Lecoin, sans oublier les sans-nom et les gens de peu qui ont croisŽ sa route.

Un romancier engagŽ, Clavel ? Il l'est ˆ cause de ses personnages, qui encaissent les injustices et parfois s'Žchappent dans les l‰chetŽs ou les noblesses de coeur. Des gens simples dont le destin dŽpend d'une moisson, d'une vipre ou d'un cas de conscience. Ce conteur magnifique est bien un Žcrivain Ç prolŽtarien È, selon le mot de Michel Ragon, avec la fiertŽ que cela suppose. Les millions de lecteurs qui ont lu ses livres ne s'y sont pas trompŽs : cet homme est Ç en prise directe avec le mot humain È, comme disait Pierre Mac Orlan. Il ne triche pas. Pas plus dans les amitiŽs qu'il scelle que dans les bras d'honneur qu'il dŽcerne encore avec une joie tonnante.

LÕadolescent qui dŽcouvrit dans le grenier de ses parents les Ïuvres de Hugo et de Dante sous forme de brochures non coupŽes, qui fut Prix Goncourt en 1968 et acadŽmicien Goncourt dŽmissionnaire en 1977, reste un Žcrivain respectueux du geste et du silence. Ses histoires souvent violentes, ses phrases qui claquent, ses dialogues acŽrŽs, ses personnages qui basculent du fait divers au conte philosophique, crochtent sans peine le lecteur. Ë ceux qui psalmodient que seule la littŽrature Žtrangre est riche dÕhistoires de vie et de passions humaines, on ne saurait trop conseiller de lire Bernard Clavel, hercule au beau sourire et seigneur itinŽrant des fleuves romanesques.

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