La Grande Patience
Bernard Clavel crit ce roman en 1962. Sa mre et son pre sont
morts respectivement en 1945 et 1948, et cĠest une faon pour lui de les
retrouver en leur rendant hommage. Ici pourtant le travail de lĠcrivain nĠa
pas t facile.
Bernard
Clavel revient en effet sur son adolescence, priode pendant laquelle il tait
en apprentissage chez un ptissier de dole qui lui fit subir nombre de
brimades. La maison des autres, cĠest non seulement lĠhistoire
de cet apprenti ptissier, mais galement la description fidle du travail de
la ptisserie et en arrire-plan la figure sociale du " petit "
ouvrier face son patron.
" a doit tre
normal, dit julien son oncle qui sĠtonne, puisque les autres ne disent rien ".
Dans ce deuxime tome, crit en 1963, le hros, julien Dubois va
passer au second plan et laisser la place ses parents.
CĠest
lĠhistoire de ce vieux couple pendant lĠoccupation, dont la femme est inquite
pour son fils et dont les proccupations sont toutes de soucis quotidiens en ce
temps de guerre.
CĠest
aussi la description dĠun pre, travailleur acharn, " une bte de
somme qui usait sa bche au fil des saisons retourner toujours la mme terre.
Rien de plus quĠune bte qui travaille pour sa nourriture ". (Bernard
Clavel)
Ce pre
qui a un amour immodr du travail manuel et qui reprochera son fils dĠexercer
un mtier de crve-la-faim.
" Mon
grand remords est de ne pas avoir assez aim mes parents. Mon grand regret de nĠavoir
pu, avant leur mort, leur donner la preuve que jĠavais une chance de ne pas
rester toute ma vie un peintre rat, toujours la recherche de son pain ".
Ce troisime tome est crit en 1964 et sĠarticule autour de trois
thmes : lĠamiti, lĠamour, la mort.
LĠamiti
dĠabord, celle dĠun compagnon de guerre, le soldat Riter qui lĠincitera lire
Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud.
Puis lĠamour
de Sylvie, rencontre lors dĠun concert de Charles Trenet, mais qui ne
demeurera quĠun bonheur fugitif.
Et
enfin la mort dans le maquis dĠun compagnon dĠvasion.
Ç Je
voulais crire un roman o lĠamour tiendrait la plus grande place. Mais les
morts de mes vingt ans se sont imposs moi pour me rappeler que ce temps tait
celui de la mort bien plus que celui de lĠamour È.
Prix Goncourt, ce dernier tome parat en 1968, quatre ans aprs Le
CÏur des vivants.
Bernard
Clavel aura crit entre temps Le Voyage du pre, LĠHercule
sur la place, ainsi quĠun livre dĠhistoire de lĠart : Lonard de Vinci, et
un recueil pour enfants : LĠArbre qui chante.
Cet
intervalle sĠexplique par la douleur quĠa ressentie lĠcrivain revenir sur
son pass, faire le portrait de ses parents quĠil se reprochait de ne pas
avoir compris.
" Dans
lĠhistoire de mon pre et de ma mre, jĠai essay de reconstituer leur vie dĠaprs
mes souvenirs. Ceux qui taient intimes de mes parents ont trouv leur portrait
trs ressemblant. JĠai compris ce quĠavait t leur vie. Mais on ne fait pas
mourir ses parents deux fois sans souffrir. JĠai souvent t oblig de mĠarrter.
JĠai souvent pleur. "
" Il
sĠagit dĠun roman, c'est--dire dĠune matire vivante ptrie la forme dĠun
mouleÉ Cette histoire est celle dĠun long crpuscule : celle dĠune mre et
dĠun pre qui achvent de vivre sans bruit tandis que, dans le fracas des
bombes, un monde meurt pour quĠun autre naisse. "
" Les
Fruits de lĠhiver est la fois un tmoignage passionn de lĠamour maternel et lĠexpression
dĠun remords ". (Michel Ragon)
Bernard
Clavel a souffert, il nĠaime pas discuter de cette fresque : " Mes
livres autobiographiques tels que les quatre volumes de La Grande Patience me
dispensent de toute confession supplmentaire sur la priode de ma vie qui va
de ma quatorzime anne ma vingtime anne " ; mais cette
souffrance nĠest pas vaine. Il fait bnficier le lecteur dĠune exprience de
lecture passionnante.
" On
ne saurait lire ce livre de Bernard Clavel sans ressentir une profonde motion.
Profonde comme le sentiment qui lĠa inspir et qui nĠest pas de la
sentimentalit. Sans grandiloquence, sans excs, Bernard Clavel atteint un ralisme
sobre qui est toujours efficace ". (extrait dĠun article de presse,
octobre 1968)